[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais sont les débuts de cinq récits distincts.]

(Début de l’histoire n°1) “Il était une fois une petite abeille. Elle était inquiète, car elle ne trouvait plus le chemin de sa ruche. Virevoltant, hésitante, parmi les fleurs, elle aperçut un gros scarabée bleu, qui lui sembla sage, et joli. Elle décida donc de lui faire part de son problème en ces termes:
- Monsieur scarabée, je suis bien inquiète. Je ne comprends pas. Habituellement, je retrouve ma ruche sans problème, mes antennes frétillent et mes ailes me guident, je n'ai pas à penser, et je suis arrivée. Mais aujourd'hui ! J'ai bien butiné, je m'apprêtais à rentrer, et rien ! Pas le moindre fourmillement interne me poussant dans telle ou telle direction. Alors je ne sais pas où aller. Je suis bien embêtée.
- Mmmh... Bon. Tu manques pas de culot, toi, dis moi ! Me déranger, comme ça... Mais bon. Comme j'ai pas l'habitude d'être abordé comme ça par des petites nanas, je veux bien t'aider. A quoi elle ressemble, ta ruche ?
- Elle est jaune, belle et grande, elle est accrochée à un grand arbre aux feuilles plates, qui nous offre comme des perles des milliers de fleurs blanches et sucrées.
- Un arbre tu dis ? Viens avec moi.
Les deux insectes s'envolèrent dans le ciel bleu. Loin, au-dessus, un avion traçait une double ligne blanche entre les nuages. Et tout était très beau.” (Jessica Thomas)

(Début de l’histoire n°2) “Le vieux regarda passer l'avion très haut au-dessus de sa tête - il ne
sera plus question d'avion, c'est trop cher - dans le meilleur des
cas, il y aura le récit d'une grève des agents de sécurité
aéroportuaires, avec des plans très rapprochés, très dramatiques, sur
les familles de cadres ligotées à des chaises de métal, la dernière
édition du journal quotidien posée sur les genoux et un gros flingue
posé sur la tempe, bref, pris en otages. Le vieux donc regarda passer
et disparaître de cette histoire l'avion, très haut au-dessus de sa
tête et tout à fait ignorant de lui, et se mit à classer mentalement
toutes les choses du monde : d'un côté celles qu'il pouvait voir mais
dont il n'était pas visible, de l'autre celles qui le pouvait voir en
retour, par exemple pour le piquer comme la bestiole ou être par lui
mangé comme le poisson. Au premier recensement, il y avait bien plus
de choses de la première catégorie. Quant aux choses qui le
regardaient sans qu'elles le vissent, il ne pouvait évidemment rien en
dire.” (Fr.)

(Début de l’histoire 3) “Certains habitants du quartier prétendaient qu'il était inutile d'essayer de comprendre la raison qui avait poussé Sabou à partir. Depuis son plus jeune âge, disaient-ils, Sabou n'avait jamais été comme les autres, et les enfants autrefois le regardaient déjà de travers, aux aguets, prêts à parer tout geste inattendu, voire agressif, qui pouvait brutalement sourdre de derrière sa carapace. Et voilà que, du jour au lendemain, il avait disparu de notre horizon… Quelle mouche l'avait piqué ? Les femmes, elles, penchaient pour une histoire de cœur, une de ces ruptures de passion qui vous dévaste le corps et l'âme, et ne vous laisse d'autre choix que d'abandonner le champ de bataille, désormais stérile, pour rebâtir au loin quelque chose de neuf. Tant d'inanités me laissaient songeur : comment peut-on passer autant de temps à côté d'un homme et le connaître aussi peu ? Pour la majorité des respectables habitants du quartier en tout cas, la disparition d'un personnage aussi peu conforme, aussi peu prévisible que Sabou Niyouma était avant tout un soulagement et, plongés dans un sommeil de truite, ils dormaient désormais sur leurs deux oreilles.” (Fabrice)

(Début de l’histoire n°4) “L’orage avait éclaté avec une telle violence que toute la salle d’embarquement fut réduite au silence. Au gré des éclairs, on voyait l’appareil cloué au sol, la soute béante, entouré de tous les petits et gros véhicules lunaires qui s’affairaient il y a encore un instant autour de lui pour le vidanger. Un gros scarabée gisant dévoré par des fourmis mécaniques qui n’en avaient laissé que la carapace luisante sous la pluie. Tant que la tempête ne se serait pas éloignée de quelques kilomètres, tous les employés devaient quitter le tarmac pour se mettre à l’abri. Le professeur Duplessis soupira en se rengonçant dans son siège. Il avait toujours détesté les aéroports et les voyages en avion, et celui-ci s’annonçait mal. Quand diable allait-il donc pouvoir enfin rentrer chez lui ? Au comptoir d’embarquement, les hôtesses et stewarts s’ennuyaient ferme. Sur les écrans surélevés qui parsemaient ce grand hall aux trois quarts vides, des images de vues aériennes de la forêt du Mont-Tremblant et de parties de pêche à la mouche défilaient entre deux bulletins d’information. On annonça au micro que l’embarquement pour le vol Londres-Montréal commencerait à 23h15. Monter enfin dans l’avion et dormir, c’était tout ce que le professeur Duplessis souhaitait. Il serait bien temps, demain, de réfléchir.” (AB)

(Début de l'histoire n°5) “Son avion pour Majorque décollait du Prat à huit heures. Barcelone s’éveillait à peine de la longue nuit de la Saint-Jean. Il faisait une chaleur accablante que n’avait pas dissipée l’orage de la veille. La ville était figée dans une sorte de torpeur. Pour la première fois depuis longtemps, F. n’avait pas participé à l’euphorie festive des pétards, des feux et des bals populaires. Elle avait contemplé le spectacle de la ville embrasée depuis Vallvidrera. Sur le chemin du Prat, elle regrettait de ne pas être allée chez Paul et Neus pour gagner quelques heures de sommeil, d’autant que le chat, qui avait passé la nuit à poursuivre des insectes (concrètement, une guêpe et un grillon) avant de les disposer cérémonieusement sur l’oreiller vide d’Alex, l’avait tout juste laissée dormir. F. aimait particulièrement ces voyages en taxi à l’aube qui la faisaient se sentir comme un explorateur d’espaces vierges. Au niveau des Drassanes et de l’aquarium, les voiliers amarrés et la statue de Colomb l’invitaient à des aventures maritimes. L’insistance du chauffeur l’arracha à sa rêverie. Était-elle sourde ? Par où voulait-elle donc passer ? La route était coupée par un arbre qu’avait fait tomber la foudre. ” (AF)

(Début de l'histoire n°5) “Son avion pour Majorque décollait du Prat à huit heures. Barcelone s’éveillait à peine de la longue nuit de la Saint-Jean. Il faisait une chaleur accablante que n’avait pas dissipée l’orage de la veille. La ville était figée dans une sorte de torpeur. Pour la première fois depuis longtemps, F. n’avait pas participé à l’euphorie festive des pétards, des feux et des bals populaires. Elle avait contemplé le spectacle de la ville embrasée depuis Vallvidrera. Sur le chemin du Prat, elle regrettait de ne pas être allée chez Paul et Neus pour gagner quelques heures de sommeil, d’autant que le chat, qui avait passé la nuit à poursuivre des insectes (concrètement, une guêpe et un grillon) avant de les disposer cérémonieusement sur l’oreiller vide d’Alex, l’avait tout juste laissée dormir. F. aimait particulièrement ces voyages en taxi à l’aube qui la faisaient se sentir comme un explorateur d’espaces vierges. Au niveau des Drassanes et de l’aquarium, les voiliers amarrés et la statue de Colomb l’invitaient à des aventures maritimes. L’insistance du chauffeur l’arracha à sa rêverie. Était-elle sourde ? Par où voulait-elle donc passer ? La route était coupée par un arbre qu’avait fait tomber la foudre. ” (AF)
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