vendredi 9 mars 2012

Episode 8


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “- Mais ça suffit pour aujourd'hui. Il fait nuit maintenant, il n'y aura plus d'arc-en-ciel. Et puis tu peux facilement imaginer la suite, non ?
- Non non non non non ! Je peux pas du tout imaginer la suite c'est pas vrai ! La grosse main, elle est devenue quoi ? Et la petite fille, est-ce qu'un jour elle choisira le masque qui rit, au lieu du masque qui pleure ? Elle a l'air si triste, dans ma tête, comme si elle portait toujours deux grands yeux noirs infinis, qui noient tout de peur. Les livres ils vont tout sauver ?
- Valentine ! Mais ! Tu poses trop trop trop de questions ! Comment veux-tu que je te raconte autant d'histoires ? Je suis sûre que tu as assez d'images, de battements de cœur et de couleurs folles à l'intérieur de toi pour créer toi même la suite de l'histoire. C'est souvent beaucoup mieux tu sais ! C'est aussi ça qu'elle a découvert ! Qu'il n'y a jamais de fin. Les histoires se poursuivent à l'intérieur du ventre. Allez, finit ta pomme et on rentre.

Valentine crache les pépins lentement, un par un, dans sa main, puis les jette dans l'herbe. Elle se lève très doucement, regarde autour d'elle, comme si elle avait peur d'oublier quelque chose. Et lance le trognon très loin, vers le ciel plein d'étoiles. Lorette prend la main collante et sucrée de Valentine et l'entraîne vers la maison aux fenêtres éclairées.” (Jessica Thomas)


(Suite de l’histoire n°2) “” (Fr.)


(Suite de l’histoire n°3) “Notre bande était organisée sur un mode quasi-militaire - en grande partie en raison de l'appartenance de Benoît, notre sous-chef à une brigade des louveteaux - et les rares, mais intenses confrontations avec les jeunes gitans, donnaient lieu à d'homériques combats. Arborant des armes hétéroclites, prélevées à la décharge sauvage qui jouxtait le camp manouche, nous partions à l'assaut de l'adversaire, et les pétards expédiés par les lance-pierres des artilleurs arrosaient l'ennemi tandis les coups de bâtons pleuvaient avec la plus extrême sauvagerie sur les plaques de chaudières en tôle qui faisaient office de bouclier. Cette guerre absurde n'avait d'autre motif que la différence : nous étions nous, et les gitans étaient les autres ! Lorsqu'en fin de journée, nous rentrions dans nos foyers, nos parents ne se doutaient pas que sous nos faces angéliques d'enfants de chœur étaient tapis d'autres visages, teigneux, belliqueux et hostiles à tout ce qui était étranger au quartier. Durant cette période, Sabou et moi connûmes un rapprochement muet mais réel, fiers tous deux d'être acceptés dans ce groupe, moi la seule fille de la bande, et lui le garçon qui n'était pas comme les autres. Mais des événements dont les conséquences auraient pu être dramatiques mirent fin à cette période d'apaisement.” (Fabrice)


(Suite de l’histoire n°4) “Le drôle de trio parvint à destination à la tombée de la nuit. Raton, qui avait somnolé la majeur partie du trajet sur la banquette arrière, était surexcité. Il tournait autour de La Pelure comme un maudit moustique. Pour s’en débarrasser, celui lui remit quelques billets et la mission d’aller les approvisionner en alcool, cigarettes et nourriture auprès du village indien le plus proche. « Mais qu’est-ce que tu as à tirer une gueule pareille ? On s’en est royalement sorti jusque là ! » demanda Nestor qui avait déjà ouvert la moustiquaire donnant sur le balcon, et farfouillait dans la serrure de la porte d’entrée. « C’est l’autre dégénéré qui me rend nerveux. Y’ parle trop, il va finir par tout faire foirer. Mais je te jure que s’il a le malheur de l’ouvrir, y’ va avoir affaire à moi ! » menaça La Pelure, en refermant violemment le poing sur une gorge imaginaire. « C’est vrai que c’est pas une lumière le Raton, mais c’est pas une balance, pour sûr. », temporisa Nelson. Lui, c’était plutôt La Pelure et son humeur ombrageuse qui l’inquiétaient. Le coup était fait, et ils l’avaient bien fait. Il était trop tard pour avoir des regrets, ou des remords. Et c’est Raton et lui qui lui avait offert cette opportunité d’agent facile, faudrait peut-être voir à pas l’oublier. Si La Pelure se mettait à vouloir faire la pluie et le beau temps, les masques allaient vite tomber.” (AB)


(Suite de l’histoire n°5) “À sa droite, au pupitre L, une sorte de crapaud à lunettes, qui paraissait tout droit sorti de la Regenta, était plongé dans l’étude de ce que P. identifia comme un inventaire de bibliothèque du XVIe siècle. L’énergumène frétillait sur sa chaise et poussait de temps en temps des petits cris d’autosatisfaction, moment où il bondissait sur son ordinateur pour y consigner, en martelant son clavier, l’information recueillie. A l’autre bout de la table, un italien entrait et sortait intempestivement de la salle pour répondre à son téléphone. En face de P., le pupitre M, envahi par la panoplie Apple, était occupé par une belle femme d’une soixantaine d’années au fort accent américain. Malgré son style bohème prononcé (à la voir, on l’imaginait aisément quarante ans plus tôt, campant dans un tipi à Woodstock), P la trouvait appétissante. Son nom, qu’il avait réussi à deviner en lisant à l’envers, depuis son pupitre, sa carte de lectrice, le plongea un instant dans de douces rêveries homériques (elle s’appelait Iris). P n’avait aucune envie de se remettre à l’étude des masques. Alors qu’il s’apprêtait à ouvrir le manuscrit que venait de lui remettre le bibliothécaire, le crapaud hurla, abandonna ses impedimenta sur son pupitre, manqua de renverser l’italien en sortant en courant de la salle. P et la sexagénaire hippie s’interrogèrent du regard. Les cris du crapaud retentissaient dans l’escalier monumental. « Une guêpe, une guêpe, je me suis fait piquer par une guêpe » ” (AF)

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