vendredi 9 mars 2012

Episode 9

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Sur le pas de la porte, la mère. Elle dessine une ombre noire dans un rectangle clair, au milieu de la nuit. On la voit de loin. Comme un feu dans le désert.
Valentine ralentit le pas. Tire sur la main de sa soeur.
- Tu le savais ! Tu savais que maman serait fâchée. Tu as voulu qu'on reste, peu importe maman. Alors on y va.
Valentine respire vite, plus vite, ses épaules se soulèvent, elle renifle.
- Mais, mais, moi, j'ai pas de donjon comme tu avais toi, pour me cacher dans les livres. Moi, moi, les flèches de maman, elles arrivent directement, toutes, j'ai pas de murailles, moi, moi...
- Non Valentine. Tu ne vas pas pleurer. Pas maintenant. Tu es grande maintenant. Et tu sais que maman est toujours plus fâchée quand on pleure. Tu n'as pas de donjon ? Je te construirai un tipi avec tes draps, même si on ne mange pas, même si maman se fâche trop fort, tu seras au chaud, dans un autre monde. D'accord.
Valentine renifle, juste un peu, tout doucement.
- D'accord.” (Jessica Thomas)


(Suite de l’histoire n°2) “” (Fr.)


(Suite de l’histoire n°3) “Cette après-midi de printemps, nos deux bandes se faisaient face et s'excitaient mutuellement autant par hargne que par jeu. Ces périodes de bravades verbales constituaient l'essentiel de l'affrontement, le combat physique, déclenché par une provocation jugée insupportable par l'un des deux camps, étant généralement des plus brefs. Ce fut Benoît qui réagit au défi lancé par une grande fille hirsute qui, campée sur ses pieds nus, le narguait. Avec toute l'inconscience de son jeune âge - aujourd'hui d'y repenser me fait frémir -, il envoya, tel un discobole grec, une lame de scie circulaire dénichée à la décharge en direction de l'ennemi. Le disque fendit l'air et passa au ras de la chevelure de la fillette, mettant fin non seulement aux exclamations bruyantes dont se gratifiaient les jeunes guerriers ce jour-là, mais également aux rencontres belliqueuses autour desquelles nous nous confrontions à ces enfants du voyage. Tout le monde comprit que quelque chose de grave s'était passé, et nous nous quittâmes définitivement dans un silence de plomb. Quelques jours plus tard, le feu prit dans les broussailles du terrain vague, contaminant rapidement le bosquet de sapins sur lequel s'appuyait le camp gitan. Cet incendie probablement dû à notre négligence - nous jouions fréquemment aux pétards et l'un d'eux avait du mal s'éteindre - nécessita l'intervention des pompiers et le déplacement du campement manouche. Il ne fut pas possible de mettre nos masques d'enfants sages ce soir-là lorsque nous rentrâmes chez nous, car ils auraient juré avec le képi du policier municipal et le casque du capitaine des pompiers qui nous raccompagnèrent auprès de nos parents. La seule façon de minorer la punition fut de faire retomber la responsabilité de l'incendie sur Sabou Niyouma, une version des faits qui fut facilement avalisée par la majorité des familles du quartier.” (Fabrice)


(Suite de l’histoire n°4) “Raton roulait à vive allure dans ce qu’il pensait être la direction de Kirusaaq. Il n’était jamais entré de sa vie dans une réserve indienne, et s’attendait en toute naïveté à vivre les aventures de Yakari grandeur nature. Un employé de station service, chassant les coquerelles derrière son comptoir tout en vidant des bières, lui appris qu’il était arrivé à bon port. Pas de tipis, ni de gars emplumés avec des carquois plein de flèches, dansant autour d’un feu de joie. Raton cacha mal sa déception. Quelques baraques en dur où l’on regardait sagement la télévision, des nuages de moustiques, et c’était tout. Au dépanneur qu’on lui avait indiqué, Raton pris deux packs de Kilkenny Castle blondes, un sac de patate, des dizaines de barres chocolatées et un rôti de bison de trois bonnes livres. Le bruit mou de la viande sanguinolente jetée sur le plateau de la balance lui évoqua un curieux souvenir. Il avait faim.” (AB)


(Suite de l’histoire n°5) “F. ne resta pas longtemps sur le pont. Elle continua à peser devant un Gin tonic ce qu’elle allait dire à Alex, en feignant d’écouter ce que lui racontait le barman du Scarabée (c’était le nom du bar), puis s’enferma dans sa cabine. L’alcool et le tangage rendirent sa nuit agitée. Sa tête bourdonnait et les images se succédaient. Elle voyait la maison de Vallvidrera, des visages familiers et inconnus, I dans sa robe rouge ; elle entendait les éclats de rire d’Alex et, toujours, ce vrombissement continu et angoissant. Puis venaient les tours du chemin de ronde de Sant Feliu, les feux de la Saint-Jean, la tente construite dans le jardin des grands-parents, le bleu sombre et inquiétant que prenait la mer les jours de vent d’Est et, au loin, une voix, sa voix d’enfant, qui criait dans une autre langue : « Jordi…. ! ». Elle se réveilla en sursaut. Il était 8 h et le ferry entrait dans le port de Majorque. ” (AF)

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